Les veilleurs cathares

© Photographies Philippe Calvet, 17 août 2021. Les Veilleurs Cathares. Sculptures de Jacques Tissinier, aire de Pech Loubat, Autoroute A61.


Les chevaliers cathares

Si un jour vous passez du côté de Narbonne, dans le sud de la France, prenez l'autoroute A61 qui va vers Carcassonne et Toulouse. A la sortie de Narbonne, sur une aire de repos à droite, apparaîtront trois statues, de 10 mètres de haut environ, ressemblant à des quilles avec une entaille vers le sommet. Au début on ne sait pas trop ce que c'est, mais on comprend vite qu'il s'agit des chevaliers qui "pleurent doucement, au bord de l'autoroute"...

Il y a quelques centaines d'années, vers l'an mil et un peu plus tard, la France n'était pas comme aujourd'hui. Le roi de France régnait sur un territoire beaucoup plus petit, dont Paris était la capitale. Au sud se trouvait le comté de Toulouse (qui faisait partie du Languedoc), gouverné par les comtes Raymond de Toulouse, qui, aussi curieux que ça puisse paraître aujourd'hui, était bien plus riche que le royaume de France. Certains disent même que seul l'Empire était plus puissant. Pensez bien que le roi de France n'acceptait pas vraiment cette situation : sa seule véritable force était le sacre, qui lui conférait un droit divin, et par là, le soutien des papes. Et c'est ça qui va tout faire basculer.

A cette même époque, se développait une nouvelle religion : le catharisme. En gros et de manière simpliste, on peut résumer leur croyance en disant que pour eux, la terre était une création du diable, ce qui expliquait les guerres, les maladies, les souffrances qui ne pouvaient pas être l’œuvre de Dieu qui, par nature, est bon. L'âme des hommes sur terre était prisonnière. Il fallait, pour la délivrer, devenir pur. On y parvenait lorsqu'on devenait "parfait". Et ce n'est qu'après de multiples réincarnations que l'on atteignait ce statut et qu'enfin l'âme pouvait s'élever vers Dieu au ciel. Le corps et tous les biens matériels étaient donc l’œuvre du diable et étaient rejetés par les cathares. La religion cathare opposait le Bien et le Mal. Or l’Église catholique à cette époque était riche et puissante. Bref, bien loin de ce qu'elle prônait et surtout bien loin du peuple. Imaginez donc l'effet de cette nouvelle religion, pour qui les richesses étaient à éviter, qui n'avait aucune hiérarchie, qui permettait d'accéder au "paradis" simplement en faisant des jeûnes et en menant une vie pauvre, autrement dit pas si éloignée de ce que vivaient les gens quotidiennement. Le catharisme s'est donc développé, essentiellement dans la région qui va de Béziers - Foix - Toulouse et remonte jusqu'à Albi, c'est-à-dire en gros le comté de Toulouse.

Pour l'église catholique, les cathares étaient des hérétiques. Elle cherchait par tous les moyens à enrayer le mouvement. Quant au roi de France, il rêvait de s'emparer des terres des comtes de Toulouse où justement se trouvaient la majorité des cathares. Et c'est ainsi qu'en 1208, le pape Innocent III et le roi Philippe Auguste se sont associés pour lancer une croisade contre les Albigeois (autre nom des cathares). Les croisés sont descendus par la vallée du Rhône puis ont fait le siège des villes principales (Béziers, Carcassonne et Toulouse). Le conflit a connu des hauts et des bas, surtout à cause de démêlés au sein des croisés sur le partage des conquêtes. Quoiqu'il en soit, au bout de quelques temps, le pape et le roi ont gagné, après avoir massacré et brûlé les derniers résistants cathares à Montségur (dans l'Ariège) en 1244 ("des flammes qui lèchent des murs et des charniers géants"). Le comte Raymond VI de Toulouse s'est engagé à ce que ses terres reviennent à la couronne française après sa mort. C'est la fin du catharisme, "les chevaliers cathares pleurent doucement".

Depuis, cette région est devenu française. Pour certains les cathares sont devenus le symbole de l'Occitanie. Ce qu'il faut surtout retenir, c'est qu'une guerre de religion a été déclarée dans le seul but d'agrandir un royaume. Les cathares étaient des gens pacifiques qui ont été massacrés pour fournir un alibi à une conquête. Cherchez bien, ça existe encore aujourd'hui : "N'en déplaise à ceux qui décident du passé du présent,...ils sont toujours vivants, ...j'entends toujours le bruit des armes".

Voilà, c'était un peu long, sûrement un peu caricatural, mais j'avais envie de vous raconter cette histoire qui n'est ni une légende, ni un conte. Peut-être écouterez-vous la chanson de Cabrel différemment maintenant.

Texte de Philippe Calvet écrit en 1998 pour la première version de ce site consacré à la discographie de Francis Cabrel.
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